« Comment vous appelez-vous ? », s’enquiert Jean-Yves. Je me présente. Jean-Yves me souhaite la bienvenue, en m’appelant par mon prénom. Tandis qu’il me conduit vers le fond du bâtiment, l’incompréhension s’amplifie dans mon esprit : une exposition relate les angoisses universelles, des textes truffés de termes pseudo-scientifiques expliquent les nombreuses possibilités qu’offrirait la Scientologie. Il y est question de l’accroissement des aptitudes grâce à la dianétique.
La dianétique, c’est la pierre angulaire de la pensée scientologue, développée depuis 1950. Il s’agirait d’« une science mentale de la santé » visant à la compréhension de l’inconscient. Pour la comprendre, Jean-Yves me tend un pavé : La Dianétique : la science moderne de la santé mentale. « Seulement 16 euros », précise-t-il.
L’Église de la Scientologie a été créée en 1952 aux États-Unis, par le gourou Lafayette Ronald Hubbard, auteur américain de romans de science fiction et de fantaisie, mieux connu sous le nom de Ron Hubbard. Selon son interprétation, nous serions tous des êtres spirituels. Toutefois, les angoisses, les cauchemars et le stress de la vie, qui résident dans le « mental réactif » et étouffent la spiritualité de chacun, empêcheraient l’homme d’atteindre son plein potentiel.
« L’homme n’utilise que 10% de ses capacités, Einstein lui-même l’a dit », avance Jean-Yves, comme pour crédibiliser ces propos. Pourtant, Einstein n’a jamais dit cela.
« La Scientologie n’est pas une croyance, mais une connaissance », basée sur « beaucoup, beaucoup de recherches », explique Jean-Yves, scientologue depuis 1975 et habitué de l’église de la place des Capucins. Le long glossaire de la Scientologie regorge ainsi de termes exotiques, sonnant faussement scientifiques. Pourtant, dès 1951, de nombreux chercheurs reprochent à Ron Hubbard son manque de preuves scientifiques, et soulignent le risque de dérives sectaires.
L’Église de la Scientologie prétend aider, par des tests de personnalité, des auditions, des formations à se débarrasser des mauvaises pensées. Elle promet de purifier l’âme, le « thétan », en langage scientologue. L’audition constitue la pratique essentielle de la scientologie. Selon la secte, il s’agirait d’une « technologie spirituelle » dont l’application permet d’« améliorer sa propre condition et son existence, ainsi que celles des gens de son entourage ».
Pour mesurer l’état spirituel de la personne et calculer le poids de ses émotions, la Scientologie utilise un « électromètre » : un appareil à l’aspect vieillot, doté de deux cylindres que l’audité doit tenir dans chaque main. Au fur et à mesure des questions posées, l’aiguille vacillera en fonction de la charge émotionnelle supposée.
La Scientologie en éruption
Un DVD permet au nouveau venu d’en apprendre plus sur le fondement de la Scientologie. Le film ouvre sur l’image d’un volcan en éruption. Suit alors une série d’histoires anodines, censées souligner comment le mental peut dominer le corps. Le film montre ainsi un jeune homme tombé malade à cause d’un œuf avarié, qui ne peut plus manger d’œufs, car son mental se souvient de l’expérience douloureuse. Le tout dans une ambiance stressante digne du cinéma de série B, à grands coups d’effets spéciaux et de musique angoissante.
Le volcan est omniprésent dans l’imagerie scientologue. Selon Hubbard, Xenu, dictateur d’une « fédération galactique », aurait jeté dans les volcans de la planète terre 13 500 milliards extraterrestres dont les âmes nous influenceraient aujourd’hui, oppressant et angoissant l’esprit des humains. Folie ? Bizarrerie ? A minimiser, car seulement une partie des scientologues adhère à cette thèse folle-dingue. Les secrets hubbardiens ont néanmoins été gravés sur des plaques inox et enfouis dans un abri anti-atomique dans le désert du Nouveau Mexique. Des “crop circles” [cercles dans les champs, ndlr] indiquent l’emplacement aux extra-terrestres qui s’aventureront sur terre dans des milliers d’années.
Une entreprise hautement lucrative
Livres, DVD, auditions, formations, tout est payant. « C’est de l’escroquerie », s’écrie Roger Gonnet, qui a fondé en 1975 l’Église de la Scientologie en province. Aujourd’hui repenti, il la qualifie de « centre de profits ». « Ron Hubbard parlait lui-même de “body in the shop” [corps dans la boutique, ndlr], pour parler des membres », explique l’ex-scientologue. « En 1982, à Lyon, le chiffre d’affaire était de 2 millions de francs [285 000 euros environ, ndlr] », poursuit Roger Gonnet. D’après le site antisectes.net, le coût d’un parcours complet peut atteindre 400 000 euros.
Reconnue aux États-Unis comme religion, la Scientologie est cataloguée en France parmi les sectes. Dans le monde, les 6065 églises répertoriées dans plus de cent pays, réaliseraient un chiffre d’affaires entre 150 et 200 millions selon d’anciens adeptes. En France, il y a 5 églises et 9 missions qui feraient travailler 300 membres à plein temps et compteraient entre 2000 et 4000 adeptes pour un chiffre d’affaires estimé à 10 millions d’euros.
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Vive Le Roy !