L’heure était grave, vendredi dernier lors de la réunion du comité de bassin Rhône-Méditerranée. « Ce n’est pas de la rigolade, ni de l’idéologie verte décroissante », a prévenu le préfet du Rhône, Jean-François Carenco. « Ça existe réellement. »
« Ça », c’est la raréfaction de l’eau. « Le réchauffement du climat a commencé, et ses effets se font de plus en plus sentir », peut-on lire dans un document édité par la préfecture. « On assiste à un effondrement global des précipitations », précise Michel Dantin, le président du Comité de bassin. Moins 30% en 10 ans dans certains secteurs. « 40% du bassin Rhône-Méditerranée connaissent d’ores et déjà des pénuries d’eau », ajoute Martin Guespereau, le directeur de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse.
Les nappes phréatiques à la peine
Et l’eau manque à tous les niveaux. Le niveau des fleuves baisse. Or, les nappes phréatiques se remplissent grâce aux fleuves. Par conséquent, elles sont à des niveaux historiquement bas et peinent à se remplir. « La bassine se vide », a commenté le préfet.
Un effet de chaîne qui commence tout en haut dans les Alpes. « Dans les Alpes du Nord l’enneigement a baissé de 30% », souligne Martin Guespereau. Avec une forte variabilité d’une année à l’autre qui apporte son lot d’incertitude aux professionnels de la neige. Ainsi, l’hiver dernier, de nombreuses stations déploraient 50% moins de neige que d’habitude.
La réduction des glaciers alpins se confirme, il y a de moins en moins de neige et celle-ci fond de plus en plus tôt. Or, « moins de neige en hiver pour skier, c’est aussi moins d’eau dans les rivières au printemps », note la préfecture.
Objectif : 20% d’économie
D’où le Plan d’adaptation au changement climatique, qui doit permettre de faire face. L’objectif est de réduire les prélèvements d’eau de 20% d’ici 2020. « Le plan fait la part belle aux économies », expose Martin Guespereau. « Il y a un potentiel fabuleux. »
Si l’industrie a déjà fait d’importants efforts pour réduire sa consommation, l’agriculture se trouve dans la ligne de mire du préfet. Elle ne représente que 29,6% de la consommation d’eau (33,6% pour l’industrie et 36,8% pour les ménages), mais elle « a besoin de quantités importantes d’eau quand celle-ci est rare », insiste Jean-François Carenco. C’est à dire en été. « Il faut trouver des variétés de plantes plus précoces, qui ont besoin de l’eau avant juillet. »
Autre gisement d’économies : la lutte contre le gaspillage. Car de nombreuses canalisations sont trouées comme des gruyères. Dans certaines villes, 70% du précieux liquide n’arrivent jamais à destination à cause des fuites. Si Lyon fait partie des bons élèves avec un taux de perte de 17%, elle reste loin des meilleurs qui arrivent à acheminer 95% de la quantité initiale. Un décret fixera bientôt un objectif de performance de 85% partout.
Enfin, la préfecture commandera une étude pour connaître la quantité d’eau qui circule dans le Rhône et sa température. Une question loin d’être anodine, car les 4 centrales nucléaires de la région sont refroidies par l’eau du fleuve. Si elle est trop chaude ou s’il n’y en a pas assez, elles doivent réduire leur production. L’été dernier, 3 d’entre elles ne tournaient ainsi qu’à 50% de leur capacité. « Ce fleuve n’est peut-être pas aussi inépuisable qu’il le semble », conclut Jean-François Carenco.