« Virgin ferme ? Je viens de prendre un abonnement », s’inquiète un client qui passe devant la trentaine de manifestants. « La fermeture ne concerne pas Virgin Mobile », le rassure Jessica, contrôleuse de caisse et salariée du magasin lyonnais depuis 8 ans.
Comme ses collègues, elle s’inquiète pour son avenir. « Notre actionnaire veut nous lâcher rapidement », s’indigne-t-elle. Les 26 Virgin Mégastores appartiennent depuis 2008 pour 74% au fonds d’investissement Butler Capital Partners. « Nous avons investi beaucoup dans cette société », avait déclaré la veille un représentant du fonds au comité d’entreprise de l’enseigne. Laissant sous-entendre qu’il ne comptait pas en mettre plus. D’où l’inquiétude des salariés qui craignent non seulement pour leur poste mais également pour leurs indemnités de départ.
Des difficultés financières récurrentes
Incapable de régler ses dettes, le distributeur de biens culturels aurait vu fondre son chiffre d’affaires de 371 millions d’euros en 2008 à 313 millions en 2011, selon le Figaro. Le résultat d’exploitation serait, lui, dans le rouge depuis 2006. Le coût exorbitant des loyers serait l’une des raisons. Le chiffre de 90 000 euros par mois pour les 2500 m² du magasin de la rue Edouard-Herriot est avancé.
Mais ce n’est pas la seule explication. « On ne s’est pas renouvelé », pointe Jessica, « on est resté très disquaire. » Or, le secteur de la musique est celui qui souffre le plus de la concurrence d’Internet. La part de marché du web y est de 18%, contre 8% en moyenne, tous produits confondus. « Le frein du commerce sur Internet, c’est qu’on ne peut toucher ou voir. C’est moins vrai pour ce type de produits », explique Jérémie Herscovic le patron du site Internet de pré shopping socloz.fr.
« Le CE a soumis il y a un an un projet alternatif », s’indigne Étienne Bloch, délégué CGT. L’idée était de développer des marchés de niche, comme les disques vinyl ou les loisirs créatifs. Le projet serait resté lettre morte. Un gâchis pour les salariés du Virgin lyonnais. « Nos vendeurs sont des passionnés. Ils connaissent vraiment leurs produits », s’écrie Jessica.
En voie de disparition
A son apogée, le groupe comptait 2000 CDI en France, ils ne sont aujourd’hui plus que la moitié. Créée en 1970 par Sir Richard Branson, l’enseigne britannique a ouvert en 1988 son célèbre Mégastore des Champs-Elysées : 5000 m² dédiés aux produits culturels. De nombreuses stars y ont fait leurs emplettes : Michael Jackson, André Agassi, la chanteuse Cher, Catherine Deneuve... D’autres ont profité du cadre pour lancer leurs disques, voire donner des concerts. Le magasin lyonnais a, lui, ouvert ses portes en 2000, avec 80 personnes Il n’en reste plus que 30.
En 2001, les points de vente français sont rachetés par Lagadère qui les fusionne avec ses propres magasins Extrapole. Puis, c’est la descente aux enfers. Dans de nombreux pays, l’enseigne a d’ores et déjà disparu : États-Unis, Canada, Australie, Grande-Bretagne, Irlande, Japon... Seul le Maroc et le Moyen Orient se portent encore bien.
En France, cinq magasins ont fermé leurs portes en 2011 et 2012. Le sort des 26 restants est désormais entre les mains d’un administrateur judiciaire. Il pourrait être rapidement scellé. « Il n’y aura bientôt plus de produits culturels en centre-ville. Seulement du luxe, des banques et des assurances », se désole Étienne Bloch.