Cette lettre revêtait d’une telle importance aux yeux du rédacteur en chef qu’il chargeait l’un de ses meilleurs éditorialistes, Francis Pharcellus Church, de lui répondre. La réponse fit la Une du journal cette année-là. L’année suivante, des centaines de lettres parvinrent à la rédaction, la priant de la publier à nouveau. Ainsi, elle parut tous les ans jusqu’en 1949, date de l’arrêt du journal. La voici :
« Chère Virginia,
Tes amis ont tort. Ils sont victimes du scepticisme d’une époque méfiante. Ils ne croient que ce qu’ils voient. Ils pensent qu’une chose ne peut exister s’ils ne peuvent la saisir avec leur petit esprit. Tous les esprits sont petits, chère Virginia, ceux des grandes personnes comme ceux des enfants. Dans l’immensité de l’univers, l’homme n’est qu’un simple insecte. Une fourmi avec des raisonnements de fourmi face à l’univers infini, et à l’esprit qui serait nécessaire pour tout connaître et tout comprendre.
Si, Virginia, le Père Noël existe. Aussi sûrement que l’amour, la générosité, le dévouement existent. Et tu sais que tous ces sentiments remplissent notre vie et lui apportent beauté et joie. Combien le monde serait triste si le Père Noël n’existait pas. Aussi triste que s’il n’y avait pas de petites Virginia.
Il n’y aurait alors plus de croyances enfantines, de poésie et de romantisme pour rendre cette vie agréable. Nous n’aurions de plaisir que dans les choses que nous pouvons comprendre et saisir avec nos sens. Et la lumière éternelle de l’enfance qui illumine le monde se serait éteinte. Ne pas croire au Père Noël ! Autant ne plus croire aux contes de fée !
Quand bien même tu demanderais à ton papa d’engager des gens pour surveiller toutes les cheminées pour essayer d’attraper le père Noël le soir de sa tournée ; et même si aucun d’eux ne le voyait descendre, qu’est-ce que cela prouverait ? Personne ne voit le Père Noël, mais cela ne signifie pas qu’il n’existe pas.
Les choses essentielles de la vie sont celles que ni les enfants, ni les adultes ne peuvent voir. As-tu jamais vu les lutins danser sur la lande ? Bien sûr que non, mais cela ne prouve rien. Personne n’a le pouvoir de concevoir ou d’imaginer toutes les merveilles de ce monde. On ne peut pas les voir, parce qu’ils sont invisibles.
Tu peux casser un hochet pour vérifier ce qui fait du bruit à l’intérieur, mais il y a un voile qui recouvre le monde invisible, que l’homme le plus fort ne pourrait déchirer, ni même la force conjuguée de tous les hommes les plus forts qui aient jamais vécu. Seuls la foi, la poésie, l’amour et le romantisme parviennent à tirer un peu ce rideau pour révéler la beauté magnifique et les merveilles qu’il cache. Est-ce que tout cela est vrai ? Virginia, au monde, il n’y a rien de plus vrai.
Pas de Père Noël ! Dieu soit loué, le père Noël existe et existera toujours. Dans mille ans, Virginia, non dans dix fois dix mille ans, il sera toujours là pour réjouir le cœur des enfants. »
Joyeuses Fêtes !