Mercredi matin, une petite dizaine de communistes tractent au marché de la place Léon-Sublet en centre-ville. Abdelhak Fadly arrive après. « Je viens d’une manifestation contre des licenciements », explique-t-il. « Je suis un militant, et un militant fait tout. »
Personne affable, il est aussi sympathique que réservé. « Ceux qui parlent trop ne font rien », juge-t-il. Né il y a 56 ans à Casablanca, « la ville la plus militante du Maroc », il sympathise tôt avec les mouvements marxistes. « Le marxisme est l’analyse la plus pertinente des rapports économiques, sociaux, internationaux », juge-t-il encore aujourd’hui. « Il y a toujours deux classes qui se battent. » Et de montrer sa chemise à carreaux rouges et blancs en souriant : « il y a toujours du rouge. »
Arrivé en France à l’âge de 18 ans pour entamer des études de droit, il s’engage au sein de l’Union nationale des étudiants du Maroc (Unem) où il intègre pendant trois ans le bureau de section. L’organisation estampillée marxiste-léniniste est opposé au régime marocain en place, milite contre un système répressif et oligarque. Mais aussi pour l’appartenance au Maroc du Sahara occidental, un combat qui occupe une place importante dans l’engagement d’Abdelhak Fadly. L’Unem n’ayant pas le droit de présenter des candidats aux élections universitaires, c’est sous la bannière de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) qu’il se fait élire délégué.
Sa licence de droit en poche, il part travailler chez Carrefour à Vénissieux, s’installe dans cette ville de la banlieue est-lyonnaise grâce au concours du un pourcent patronal et se marie. Comme ses collègues, Abdelhak Fadly prend sa carte à la CFDT, mais sans briguer de poste. « J’étais fatigué, je ne voulais plus militer », explique-t-il.
En réalité, son engagement politique ne s’arrête jamais vraiment. C’est ainsi qu’après l’assaut israélien contre le camp de réfugiés de Jénine, Abdelhak Fadly crée l’association Jénine-Vénissieux qui vient en aide aux victimes de la guerre. Il fait venir des enfants palestiniens afin qu’ils puissent être soignés dans des hôpitaux français, reçoit le maire de la ville. Tout en continuant de militer pour le changement au Maroc, déplorant qu’il n’y aujourd’hui « plus de structures marocaines à Lyon ».
Son engagement local prend forme en 2001. Il entre au conseil municipal de Vénissieux sur la liste conduite par le maire communiste André Gerin, mais sous la bannière du Mouvement Républicain et Citoyen. La souveraineté du peuple prônée par le parti de l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement lui correspond. Puis, il s’en éloigne, quand il voit y arriver « des gens de droite ». Il intègre alors la section du PCF, est réélu en 2008 et 2014.
Se présentant comme quelqu’un de « très localo-local », Abdelhak Fadly s’investit « à fond » dans les conseils de quartier de sa ville d’adoption. En tant qu’élu, il préside celui de Charles Perrault aux Minguettes en 2001, puis Joliot Curie en 2008 et enfin Saint-Exupéry à la Darnaise depuis 2014. Quitte à se faire engueuler par les habitants pour des problèmes de propreté, de bruit... « Je me dois d’être au service des citoyens », soupire-t-il.
« J’ai toujours passé beaucoup de temps en politique », estime celui qui considère qu’« on rentre en politique comme dans une religion. » A Vénissieux, où on n’est pas trop mélenchoniste, la campagne des législatives a commencé plus tôt qu’ailleurs, pendant la présidentielle. « Nous avons déjà tracté pour Michèle Picard », la candidate PCF.
Dans cette circonscription qui avait voté communiste depuis 25 ans, le Parti communiste se retrouve désormais dans le rôle du challenger. En 2012 la maire de Vénissieux avait échoué à succéder à André Gerin, se faisant éliminer dès le premier tour par le socialiste Yves Blein. Le sortant étant désormais passé sous la bannière d’En Marche ! les communistes veulent laver l’affront. « J’en ai vu trop qui ont retourné leurs vestes », persifle Abdelhak Fadly, qui se veut confiant : « Un militant, ça se bat pour la victoire. On a toutes nos chances. »